« laissez les jeunes s’amuser ! »
(un peu en retard)
L’état de Paris ce matin [ndlr : après la fête de la musique] en dit long sur ce que nous sommes devenus : des porcs.
— Ville Lumière
Beaucoup d’affluence en ville hier soir pour une fête de la musique réussie à ClermontFerrand. Merci aux agents des Espaces Publics de @ClrmntMetropole
à l’œuvre ce matin pour nettoyer les rues. C’est ça le service public.
#ClermontFerrand
— Olivier Bianchi (Maire de Clermont Ferrand)
Lors de la dernière fête de la musique, le lendemain de la fête en fait, des photos circulent où l’on voit des rivières de déchets traîner partout sur les lieux de la fête. Beaucoup s’en offusquent, d’autres — y compris des officiels — remercient, à juste titre, les équipes qui nettoient tout ça.
En face de ceux qui s’en offusquent on trouve ceux qui disent, typiquement « laissez-les s’amuser », ou « c’est normal après une fête ». Je n’ai pas vu le très classique « ça fait du boulot pour ceux qui nettoient », mais on aurait pu s’y attendre aussi.
Ils ajoutent parfois même « vous faisiez pareil quand vous étiez jeunes ! ».
À ceux-là je voudrais réagir.
Déjà, non, personnellement, et la plupart des gens que je connais depuis tout petit, je n’ai pas été élevé à laisser mes déchets traîner partout. Jamais. Pas même un chewing-gum. Si on le faisait malgré tout, on se faisait remettre au pas pour réparer l’erreur. Pas méchamment, pas durement. Mais fermement, et jusqu’à ce que le message soit rentré. Une culture de la propreté, du respect de l’espace commun. Des choses qui sont devenues automatiques et naturels désormais. Tout comme dire bonjour quand on arrive dans une boulangerie ou une épicerie, ou de ne pas violenter un animal. Des trucs simples en somme, mais manifestement pas normalisées pour tout le monde.
Ensuite, vous savez qu’on peut faire la fête et ranger après ? C’est tout à fait possible, hein : aucune force de la nature n’empêche cela.
C’est peut-être une question d’éducation, à la fois des parents, mais aussi des profs, des surveillants à l’école, et de tout le monde qui joue un rôle dans la vie quand on est enfant, ado, et même après, mais pas uniquement. L’apprentissage et l’application des règles élémentaires de vie en société ne s’arrête pas à 18 ans, et ni après non plus, ni encore moins avant — désolé si vous l’apprenez ici.
Tu ne balances pas tes trucs par terre, point.
Y a aucun argument contre ça, hormis peut-être les déchets organiques (trognon de pomme, …) et encore, tu fais ça pas n’importe où. En cambrousse ou dans la forêt, personne n’y verra d’inconvénient. Ça retourne juste à la terre, d’où ça vient. Le faire en plein supermarché ou sur le trottoir, par contre, si.
Ensuite, vous voulez être libres ? Vous lâcher ? Êtres « jeunes » ? Très bien : lâchez-vous. Mais remettez les lieux dans l’état où vous l’avez trouvé. C’est pas compliqué.
J’ai moi-même été jeune, j’ai moi-même fait des conneries, ou participé à ce genre de trucs. Et le fait encore. Il y a un exemple qui me marquera toujours, car c’est à mon avis une très bonne règle et un exemple parfait de « bonne » façon de faire de la part de l’autorité qui doit rendre des comptes à la fin de la journée face à des « jeunes qui se lâchent ».
On était à l’école (en classe prépa), à l’internat. J’étais en première année, comme tous ceux de notre étage. Les secondes année étaient à l’étage au-dessus. Les secondes année ne se gênaient pas pour descendre et nous réveiller à 03 h du matin et retourner la chambre. Pas tous les jours, bien-sûr, mais de temps en temps. Ça faisait partie du trip, et c’était en vrai pas méchant et drôle. Bref : on s’amusait.
Toujours était-il qu’on n’allait pas se laisser faire face à eux. Une nuit d’hiver, on est donc descendu dans la neige avec des poubelles et on a pourri leur étage.
Le surveillant est arrivé. Il n’en revenait pas trop du bordel qu’il y avait : tout le monde hors du lit, de la neige partout dans les couloirs, les gens par terre à glisser comme des pingouins sur la neige. Bref, un cirque pas possible à 23 heures en semaine. Mais c’était amusant, et ponctuel.
Il ne nous a pas engueulé. Soit parce qu’il était passé par là peu avant aussi (il n’était pas très vieux), soit qu’il n’en revenait pas du bordel que c’était.
Il a simplement dit « ok, je vais faire comme si j’avais rien vu. La seule chose : quand je vais repasser dans une demi-heure, je veux que tout soit propre, sec, et tout le monde dans son lit ».
En gros : on a foutu le bordel, très bien. C’est resté gentil, juste de l’eau sur le sol en lino, mais maintenant vous rangez, et rien de tout ça ne sortira du dortoir.
Et il est repassé une demi-heure après : out était propre, sec et rangé. Tout le monde s’y est attelé : les 2ᵈ année (cible du méfait) et les 1ʳᵉ année (nous, les auteurs).
Ce que je veux dire, c’est que la liberté c’est bien : ça permet de faire ce qu’on veut. Mais il n’est pas de libertés sans responsabilités. Et quand on est libre d’appliquer la deuxième loi de la thermodynamique en faisant croître l’entropie d’un dortoir un soir, la responsabilité qui va avec, c’est que tout soit propre et rangé au matin (le surveillant ayant ouvert le système fermé du dortoir, l’entropie peut de nouveau être abaissée #blagueDePrépa #TMTC).
Donc non, être jeune n’est pas une excuse.
La fête n’est pas une excuse non plus.
L’absence de poubelles encore moins. L’absence de poubelles n’est pas même une explication à ce bordel.
Inutile de chercher : des excuses il n’y en a pas.
La seule raison, c’est que vous êtes mal élevés, sales, et que vous vous en foutez de vos responsabilités.
Vous savez comment on appelle un être humain qui veut faire ce qu’il veut sans avoir de responsabilités tout en laissant le problème de sa merde aux autres ? On appelle ça un bébé.
Alors soit vous remettez tous une couche, soit vous grandissez un peu et arrêtez ces inepties et encore plus c’est « c’est pas moi », « mais on est jeunes », ou « c’est normal ».
Les Japonais y arrivent : à chaque événement sportif international, ils sont là à ranger leurs tribunes. On les admire pour ça. Pourquoi pas nous ? C’est quoi qui nous empêche de faire pareil, d’être admirable ? Hein ?
Hormis la flemme, la volonté de passer pour des clochards, ou de penser que ça donne l’air cool d’être un gros porc ? Spoiler : ça n’est pas cool, au contraire.