Un mot sur l’éther
On m'a dit un jour que la science physique était l'art de prouver des principes un jour et de démontrer le contraire le lendemain.
J'ai récemment acquis un bouquin vieux d'un siècle intitulé « Éléments de Physique et de Chimie à l'usage des Candidats aux Écoles Nationales d'Arts-et-Métiers » (édition de 1908).
Le livre de 700 pages trace l'ensemble du programme de physique et de chimie que les candidats à ce qui deviendra — je crois — l'ENSAM devaient maîtriser. On y trouve presque tout, et quasiment en partant de zéro. C'est magnifique à lire et d'un style qui rendrait toutes les notions de physique et de chimie accessibles à presque n'importe qui.
Bref, si j'en parle ici, c'est à propos des changements qui se font dans les sciences : les principes sont vrais un jour, puis on en trouve un autre qui est mieux, et ainsi de suite. L'un deux concerne l'éther, et voici ce qu'on peut lire dans le bouquin de l'époque :
Hypothèse de l'éther. — On admet actuellement qu'il existe un fluide impondérable répandu à travers tous les corps solides, liquides, gazeux, ainsi qu'à travers le vide : c'est l'éther. Ce fluide existe de manière continue dans l'espace, et il possède une élasticité très grande, en vertu de laquelle il transmet les vibrations des corps lumineux, calorifiques, électriques. […] Ainsi, on dit aujourd'hui que la lumière d'un corps se transmet […] grâce à un mouvement vibratoire […] du corps lumineux ; et comme il faut un milieu ne se déformant pas sous l'effet de ces vibrations, c'est à dire un milieu élastique, ce milieu ne peut être l'air, puisque, si nous considérons la lumière solaire, celle-ci a dû traverser les espaces où règne le vide avant de se propager à travers l'atmosphère. Cette nécessité d'un milieu élastique servant à la propagation de la lumière […] a fait songer à l'éther.
L'éther a en effet été « imaginée » comme un support des ondes électromagnétiques, dont fait partie la lumière. Sur terre, le son (onde acoustique) et les vagues sur l'eau (une onde également) ont besoin d'un support : sans air, pas de son et sans eau, pas de vagues. À l'époque on imaginait donc que les ondes électromagnétiques découvertes seulement peu auparavant avaient également besoin d'un support : l'éther.
Un peu plus loin, on peut lire ceci :
Cette hypothèse de l'éther est universellement admise aujourd'hui par cette raison indiscutable qu'elle a mis sur la voie de certaines découvertes intéressantes qui ont montré que les phénomènes électriques se transmettent comme les phénomènes lumineux par un mouvement vibratoire de l'éther.
Ce que je trouve marrant là dedans, c'est qu'aujourd'hui, cette « hypothèse indiscutable » est totalement abandonnée. Des expériences (par exemple celle de Michelson) qui voulaient prouver sa présence ou ses caractéristiques ont échouées (et ont même prouvé son absence). Einstein a donc dit que puisqu'il n'y avait aucune preuve de son existence, c'est qu'il n'existait tout simplement pas (ce qui était pour l’époque une déclaration à contre courant du monde scientifique, surtout pour l’employé de bureau de 26 ans inconnu de tout le monde qu’il était).
On sait maintenant que les ondes électriques et magnétiques sont couplées et se transmettent sous la forme d'une onde électromagnétique : il s'agit d'une propagation où les deux ondes s'entretiennent mutuellement en se propageant, sans aucun support.
Bref, récemment avec les neutrinos, la théorie de la relativité aurait pu tomber, et/ou ne plus suffire à son tour, donc ça montre bien que ce qui est vrai un jour, peut ne pas être vrai le lendemain… Et comme disait Einstein (merci Céline pour m'avoir donné cette citation, corrigée au passage) : « cent mille expériences ne prouveront pas que j'ai raison, une seule prouvera que j'ai tort. ». Et elle s'applique à toutes les sciences…