Apparemment, il serait normal que le fisc mette son nez dans mes affaires parce que j’aurais hébergé Tati Jeannine durant 15 jours, et que si le compteur électrique détecte une personne chez moi qui n’est pas déclarée, je devrais avoir des problèmes. Soit.
Je sais pas vous, mais héberger une personne pour dépanner quelques jours, chez moi ça se nomme de la solidarité, pas de la fraude. Mettons ça à part maintenant.
Voilà quelques autres exemples, pas seulement en rapport avec un compteur « intelligent », mais concernant la vie privée, toute catégorie confondue.
Ces exemples ne concernent aucune fraude, elles (ou alors la loi a beaucoup changé la nuit dernière).
Certains me diront parano, faites, faites.
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Il n’est pas innocent que les banques font maintenant assurance et les assurances font aussi banques.
Vous êtes une compagnie d’assurance. Comme toute entreprise, votre but c’est de faire du fric.
À qui allez vous proposer une assurance vie/santé :
— À une personne en bonne santé qui ne vous coûtera rien et vous rapportera gros ?
— Ou à une personne obèse de 60 ans qui passe sa vie au Mc-Do et qui risque de faire un infarctus à n’importe quel moment ?
Une assurance qui fait banque vous refourgue sa carte de crédit : s’ils voient des achats répétés chez Mc Do ou d’autres boîtes de malbouffe, ils vont vous refuser votre assurance : trop risqué pour eux. Et ça sera vous qui l’aurez profondément.
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Le même assureur voit que vous êtes un fondu de moto, de vitesse, de ski et d’autres sports réputés pour faire des accidents ? Ils ne vont sûrement pas vous souscrire une assurance santé non plus, ou alors vous en proposer une bien plus chère.
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Assurance auto : recevez 20% de réduction avec un mouchard dans votre voiture. Soit.
Maintenant ils voient par où vous passez : vous empruntez régulièrement la RCEA ? Vous passez souvent devant une forêt ? Vous passez souvent dans la forêt ? Vous traversez des chemins pourris ?
Vous pouvez oublier votre assurance auto : ces comportements risquent (et c’est bien le "risque" qui les assurances pondèrent) de détruire votre voiture plus rapidement que si vous restez sur les routes tranquilles. Et il n’y a rien d’illégal de rouler en forêt ou sur un chemin pourri : c’est juste que rencontrer un sanglier ou exploser vos suspensions sera bien plus probable que si vous passez votre vie en centre-ville.
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Carte de fidélité : le supermarché sait ce que vous achetez. Je veux dire «
ce que VOUS achetez ».
Pratique pour déterminer que vous attendez un bébé si soudainement vous investissez dans des couches ou des peluches. Pratique aussi pour revendre cette information à d’autres annonceurs : vous aurez bientôt besoin d’un landau, de jouets, d’un biberon, d’une chaise auto…
Essayez d’acheter un paquet de couches avec votre carte de fidélité, chaque semaine durant 3 mois. Je paris (pas essayé, mais j’en suis sûr) que vos annonces publicitaires en ligne vont rapidement évoluer pour des choses parfaitement ciblées.
Et pourtant il n’y a rien d’illégal à faire des enfants.
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Tous ces exemples sont techniquement possible. S’ils le sont, je pars du principe qu’ils sont exploités utilisés.
Dans un contexte où tout devient très vite très louche (ne pas être sur FB = louche, changer soudainement de trajet pour aller bosser = louche, etc.) je considère, par principe, que moins les entreprises en savent sur nous, mieux c’est.
Oui, j’ai des choses à cacher : ma vie privée.
Tout comme je n’affiche pas mon salaire brut partout, tout comme je ne raconte pas où se trouve ma clé sous le tapis, tout comme je ne dis pas partout que j’ai une télé à 1200 € flambant neuve à proximité de la fenêtre du salon qui n’est jamais verrouillée en 18h et 20h le week-end, je ne veux pas que les entreprises sachent quand j’allume mon ordi, mon chauffe-eau, mon lave-linge…
C’est ma vie privée, c’est tout.
Je ne parle pas de frauder, je ne parle pas de préparer un attentat, je dis que ça ne les regarde pas, point.
Enfin, la vie privée est un droit (
article 12 DUDH), et — bordel de merde — je n’ai pas à me justifier de l’usage que je fais d’un
droit. Sinon ce n’est plus un droit.