Le Hollandais Volant

Exemple d’une facture de recharge d’une voiture électrique : détails, explications & remarques

Voici un extrait d’une facture de recharge EV :

Exemple d’une facture de recharge EV.
Facture ChargeMyHyundai (extrait), août 2024.

Note : les prix indiqués ici sont HT. Il est rajouté 20 % sur le montant final (TTC). J’en tiens compte dans la suite de cet article.

On va voir tout ce que ça dit.

Pour commencer, il s’agit ici des recharges faites sur des bornes Ionity avec le badge ChargeMyHyundai (« CMH »). Pour le badge, j’utilise tout simplement le badge que Hyundai m’a proposé avec la voiture. Je n’y suis pas forcé.

On distingue ici les deux :

  • ChargeMyHyundai, est l’opérateur de mobilité : c’est l’entité qui propose le badge et qui me facture.
  • Ionity est l’opérateur de recharge : c’est l’entité qui possède les bornes.

Quand on recharge sa voiture, il y a toujours un opérateur de mobilité et un opérateur de recharge. Parfois la même entité peut effectuer les deux opérations. Ionity est un exemple : on peut très bien utiliser l’application Ionity sur les bornes Ionity. Dans mon cas, je préfère passer par CMH car Ionity ne propose pas de badges physiques.

J’aurais aussi pu utiliser un badge Shell, ChargeMap ou Freshmile. Et recharger ailleurs, sur une borne Total, SIEG63, FastNed, eON, par exemple. Mais le combo CMH-Ionity est ce que je privilégie.

Voyons maintenant le détail des recharges, et pour ça il faut commencer par poser le tarif et l’abonnement que j’ai choisi de souscrire.

Tarif & abonnement

La tarification est un accord entre l’opérateur de recharge (Ionity) et l’opérateur de mobilité (CMH).

Chez Ionity et en passant par CMH, sont proposés deux tarifs au client :

  • Normal : 0,59 €/kWh.
  • et Flex : 0,39 €/kWh + un 7,49 €/mois.

Si l’on fait les comptes, on constate une économie de −0,20 €/kWh, en payant 7,49 €/mois. Autrement dit, dès qu’on recharge plus de 37,45 kWh par mois chez Ionity, les économies réalisées sur chaque kWh sont plus importantes que le prix de l’abonnement.

Dans la pratique 37,45 kWh sont largement dépassés dès la première charge du mois. L’abonnement est donc avantageux si on fait ça.

Note : Ionity propose une application directe, qui s’affranchit de l’opérateur de mobilité CMH. Niveau tarif, l’abonnement passe à 4,99 €, et le reste est identique. C’est donc 2,50 € moins cher, et devient rentable dès 24,95 kWh rechargés chaque mois chez eux, par rapport au tarif Normal.
Je pourrais tout à fait passer par l’application Ionity, mais on va dire que j’ai mes raisons d’utiliser le badge, même si je paye 2,50 € de plus.

Sur la facture du mois d’août ci-dessus, il n’y a que le prix au kWh.
Il faut donc ajouter 7,49 € pour le mois d’août. Mais comme j’ai expliqué : cela reste avantageux par rapport au tarif de base à 0,59 €/kWh et sans abonnement.

Détail des charges

On note que les « grandes recharges » tournent autour de 18-19 € HT, soit environ 21-22 € TTC.
Avec ça, je tire environ 55-60 kWh d’électricité. Je paye donc bien 0,39 €/kWh si l’on fait le rapport entre les deux.

Sur ma voiture 55-60 kWh correspondent grosso-modo à une recharge de 15 à 85 % typiquement. Je prends ici en compte l’énergie délivrée par la borne (et facturée), mais dont une partie peut-être non stockée dans la batterie, car servant au refroidissement de la voiture lors de la charge. J’estime cela à ~2 kWh (soit 3 à 4 % du total).

Enfin, 55-60 kWh, sur ma voiture, cela me permet de rouler 300-350 km sur autoroute (à 110 km/h, qui est ma vitesse habituelle), en plein mois d’août, donc avec la climatisation à un niveau confortable. Je tourne en effet autour de 16-17 kWh/100 km dans ces conditions, incluant les pertes électriques et thermiques lors de la charge.

On peut désormais faire le calcul sur ce que ça me coûte au 100 km :

17 kWh/100 km × 0,39 €/kWh = 6,63 €/100 km

À ceci, il faut ajouter 7,49 €/mois.
Sachant que j’ai roulé largement plus de 100 km en août, ces 7,49 € ne représentent même pas 5 % de la facture totale.

Admettons donc que l’on soit autour de 7 €/100 km. Toujours sur d’autoroute (110 km/h constants), avec la clim, sur bornes rapides et incluant l’abonnement mensuel. Bref, tout compris.

Dit autrement, c’est clairement le cas de figure le plus cher : en chargeant à la maison, je tourne à moins de 2 €/100 km.

Concernant les durées de recharge

On voit qu’une « grande » recharge qui permet de passer de 15 à 85 % dure typiquement 20 minutes.
Il s’agit d’une recharge typique et normale.

Il est assez rare que j’arrive à une borne à un niveau plus bas. En effet, 15 % de batterie me laissent de la marge pour prendre la station d’après si celle-ci est pleine (ça m’est arrivé une fois cet été) ou complètement en panne.
Il est également très rare que je parte au-delà 85 % : après ce niveau de charge, la recharge ralentit sensiblement car la batterie est chaude et presque pleine. Pour donner un chiffre : je me traîne alors typiquement à 120 kW (oui, sur une Ioniq, 120 kW c’est se traîner). Ceci ne pose en tout pas de problème : une fois qu’on a fait pipi, qu’on a bu un café et qu’on revient à la voiture, on n’a pas envie d’attendre davantage, surtout si l’on sait que c’est inutile.

On constate une grande régularité sur les 3 charges les plus longues de cet extrait.
La charge sur l’aire de Capens-Volvestre (pas loin de Toulouse) a durée 26 minutes et a chargé 55 kWh. Il est probable que ce fut une charge de 25 à 90 %, donc légèrement hors de la plage optimale. Je me suis traîné un peu sur l’aire et du coup j’ai perdu du temps. Mais qu’importe : la voiture continue de charger, même si c’est moins rapide. Ce n’est pas grave, en moins lorsque la station est vide comme c’était le cas.

Les charges les plus courtes, ici sur l’aide de Lagarde dans la Lozère, et l’aire de Taponas, au-dessus de Lyon, n’ont rechargé que 27 à 29 kWh durant 10 et 16 minutes (pour moins de 10 € HT à chaque fois).
Ces arrêts étaient des arrêts « pipi » : des pauses humaines, pas des pauses recharge. Je me suis simplement mis en charge pour ne pas m’arrêter pour rien, mais ça n’était pas une obligation : je n’aurais pas fait ces arrêts si ce n’était pour moi. L’avantage de se mettre en charge quand-même, c’est que du coup on peut repousser l’arrêt suivant, du point de vue de la voiture.

Une autre remarque peut-être faite sur la vitesse de recharge. Sur l’aire de Taponas, où l’arrêt concerne l’humain et pas la voiture, la batterie est à un haut niveau de charge (50 %). L’on a tout de même récupéré 29 kWh en 16 minutes, soit 1,82 kWh/min, ou encore une puissance de charge moyenne de 108 kW.
Ceci est à mettre en perspective avec la recharge à l’aire de Lagarde : ici j’ai récupéré presque autant (27 kWh) en presque moitié moins de temps (9 minutes). La recharge s’est faite ici à 2,97 kWh/min et une puissance de charge moyenne de 178 kW.
Cette différence est la conséquence de recharger dans la bonne plage : la voiture charge beaucoup plus vite entre 5 % et 60 % qu’entre 60 et 100 % (et si j’ai arrêté la charge après 9 minutes malgré une bonne vitesse de charge, c’est juste que j’étais presque arrivé et que charger davantage ici n’était pas pertinent).

On peut dire la même chose de la vitesse de recharge à Frouard, près de Nancy : 59 kWh récupérés en 20 minutes, soit une puissance moyenne de 177 kW. J’y étais arrivé avec une batterie à 8 %, offrant donc des conditions de recharge optimales afin de recharger beaucoup d’énergie en relativement peu de temps.

Et ailleurs que CMH et Ionity ?

Comme j’ai dit : ceci est la facture de CMH qui ne comporte que les charges chez Ionity.
Dans les faits, je possède plusieurs cartes de différents opérateurs de mobilité. L’intérêt de ça fera l’objet d’un autre article, mais disons que cela permet d’avoir les bonnes combinaisons : badge+borne, et payer systématiquement moins cher.

CMH est parmi les plus avantageux chez Ionity, mais chez Total ou Shell, par exemple, il est très très cher, et d’autres cartes lui sont préférables. J’utilise donc ça CMH pour Ionity, et d’autres cartes pour d’autres réseaux.

Durant l’été, j’ai voyagé à travers toute la France et même à l’étranger. J’ai utilisé plusieurs badges différents, sur toutes sortes de bornes, en essayant à chaque fois de prendre un tarif intéressant, au niveau du prix, mais aussi sur le trajet et avec les commodités pas trop loin (restaurant, WC, etc.). Sur autoroute, le combo CMH-Ionity est un bon combo. Pas le meilleur (Renault Mobilize-Ionity fait mieux), mais un bon combo tout de même.

C’est donc ce que j’ai privilégié dès que j’ai pu, et il s’agit de ce que j’utilise le plus pour ma voiture (en dehors de la recharge à domicile).

Conclusion

Qu’est-ce que tout ceci est censé nous enseigner ?

Non, charger ne coûte pas cher

Certainement pas plus cher qu’une thermique, et jamais je ne suis à 13 €/100 km. Je pourrais atteindre 13 € en cherchant le badge le plus cher sur la borne la plus chère (par exemple si j’avais une voiture de fonction et une carte payée par mon patron à qui j’aimerais faire perdre de l’argent — pas que qui que ce soit fait ça), mais ce n’est pas mon intérêt.

Aucune thermique, ne fera moins de 7 €/100 km sur l’autoroute en été. À la limite une PHEV : je faisais autour 6-7 €/100 km avec ma Ioniq Plug-In avant, mais ça tire parti de l’électricité aussi. Même le GPL et l’E85 ont pris cher (~1 €/L actuellement), de telle sorte qu’on ne doit pas passer sous les 7 €/100 km dans les mêmes conditions.
… et encore moins une thermique « équivalente » : puissance, taille, confort, équipement… Mon véhicule n’est pas non plus la finition la plus optimisée : si on se met à chercher la perle rare, je peux moi aussi descendre encore plus bas. Mais j’ai choisi de prendre ma voiture, ma config, ma facture. Pour avoir quelque chose de réaliste et personnel.

Qui plus est, 7 €/100 km, c’est le prix sur autoroute, donc le plus cher : essayez de rouler à 7 €/100 km en faisant le plein sur les aides d’autoroute, pour comparer ce qui est comparable. Quant à moi, si je charge sur une borne lente à un hôtel ou mieux encore à la maison, le coût au 100 km sera totalement imbattable.

Ceci est effectivement réalisé avec un badge précis sur un opérateur de charge précis : c’est parfaitement étudié, car tout le monde fait ça : tout le monde regarde les prix. Même en thermique.
Maintenant, j’ai utilisé la carte proposée lors de l’achat de la voiture avec le réseau de charge le plus populaire sur autoroutes. Si l’on peut m’accuser de quelque chose dans la recherche des bons plans, c’est juste d’être le plus mainstream possible.

Si j’avais voulu réellement trouver le combo le moins cher, j’aurais pu prendre les bornes IE-Charge (0,25 à 0,29 €/kWh, mais les bornes sont rares, hors autoroute, et perdues loin de tout — ce qui n’enlève rien à leur intérêt). Ou encore prendre la carte Renault Mobilize qui propose Ionity pour 0,29 €/kWh (et 5 € d’abonnement). Mais dans mon cas, Renault étant Renault, leur badge n’accepte pas ma banque comme moyen de paiement et ils sont à la ramasse totale quand j’essaye de les contacter, donc je paye plus cher pour un truc qui marche, tant pis.

Non, charger ne prend pas 3 heures

Je suis parfaitement conscient que sur une Ioniq 6 (et leurs petites sœurs techniques : Ioniq 5, EV6, GV60, EV9…), on a des performances de charge très élevées, mais il n’appartient qu’aux journalistes de prendre ces voitures destinées à avaler les kilomètres dans un reportage qui parle d’avaler des kilomètres.

Comme j’aime le dire : on ne prend pas une voiture de Formule 1 pour ramasser des bottes de foin dans un champ boueux ; et on ne prend pas non plus une Zoé sans CCS pour faire Paris-Marseille. Les EV sont moins versatiles que les thermiques, il serait idiot de le nier, mais ça implique donc de choisir la bonne voiture pour la bonne application (et le bon reportage) : ne pas le faire serait au mieux se rajouter de la difficulté, au pire chercher à obtenir un résultat malhonnête.

Et puis les voitures qui chargent moins vite ne sont pas à 3 heures de charge, faut arrêter : elles sont, selon les modèles, entre 25 à 40 minutes maximum sur un 10-80 % avec 200-300 km à chaque fois. Rien qui se rapproche de 3 heures de charge sur un trajet de 300 km.

Oui, il faut charger intelligemment

Les performances de recharge dépendent du moment que vous choisissez pour recharger.

Si vous commencez à transpirer et à vous brancher dès que vous tombez à 50 %, soit vous êtes nouveau avec les EV et ça peut se comprendre (et ça passera, je vous assure), soit, si vous le faites encore après 6 mois, vous n’êtes pas fait pour conduire une EV, soit vous le faites exprès lors d’un reportage auto pour TF1, car vous avez reçu comme consigne de faire de la merde.

La charge est plus rapide lorsqu’on la fait entre 5 % et 80 %. Tout ce qui est en dehors de ça, c’est une perte de temps, à la fois pour vous et pour les autres qui attendent si la station est pleine.

Oui, on peut faire de longues distances sur une charge

Sur cette facture, les deux dernières charges à Taponas (au-dessus de Lyon) et à Frouard (au-dessus de Nancy) sont les seules charges sur ce trajet (qui faisait partie d’un déplacement beaucoup plus long). J’ai fait Lyon-Nancy sans peiner sur une seule charge, soit environ 360 km.

Je sais que Jean-Michel Diesel ne sera pas impressionné, mais on s’en fiche de lui. Si l’autonomie était la seule chose d’importance dans le choix d’une voiture, tout le monde roulerait en Ram 1500 ou en Toyota Hillux (d’énorme pick-up, qui font 1 200 km grâce à leur réservoir de 125 ℓ). Or tout le monde ne roule pas en Ram ou en Hillux (heureusement, car je vous laisse calculer la conso, donnée ici en cycle mixte), donc ce n’est pas l’autonomie qui importe le plus.

On fait plus de pauses humaines que de pauses recharge

Avec cette voiture, l’autonomie est telle que la voiture demande moins de pauses que les gens qui sont dedans.

Là encore, on aura toujours Jean-Michel Chameau qui peut rouler 12 heures et pisser dans une bouteille vide pendant qu’il tient le volant avec ses pieds, mais une pause de temps en temps avec une bonne hydratation restent préférables. Dans ces cas-là, c’est bien la voiture qui s’en accommode, et pas nous qui nous accommodions à la voiture.

Je conseille d’ailleurs, si l’on s’arrête pour nous, de tout de même mettre la voiture à charger : ça ne sera jamais perdu (sauf dans le cas extrême où l’on est à 98 %, là, ça serait inutile, évidemment) et dans le meilleur des cas, permettra de repousser l’arrêt suivant.