Je possède une Hyundai Ioniq PHEV, donc une voiture hybride rechargeable. Ce n’est pas une électrique pure. Je fais néanmoins tous mes trajets quotidiens en 100 % électrique (travail, courses, etc.).

Je discute aussi un peu autour de moi à propos de la conduite électrique, ses avantages, ses inconvénients, ses particularités. Je note qu’il y a pas mal d’idées reçues et d’idées fausses autour des voitures électriques (EV) et de la conduite électrique.

Je ne me décris pas comme un expert en EV, mais j’ai quand-même constaté quelques astuces et phénomènes et je vais essayer de partager tout ça ici.

Notez : ces astuces / idées reçues s’appliquent à la conduite électrique (sur les PHEV et les EV). La conduite en Hybride (thermique + électrique) est encore différente et il y aura là également des choses techniques très intéressantes à dire ainsi que des astuces pour consommer moins !

Enfin, ma voiture étant une PHEV et non pas une EV, certaines remarques peuvent être biaisées, notamment sur le fait qu’une batterie vide n’est pas un problème pour moi (j’ai encore le moteur thermique derrière) ou encore que la charge soit si lente (elle n’est accélérée que sur les EV).

Idée fausse 1 : « la voiture recharge en roulant »

Alors non : quand on roule en électrique, la batterie ne se recharge pas.
La batterie se recharge seulement quand l’inertie de la voiture suffit à maintenir son allure (en descente, donc) et quand on freine (freinage régénératif).

Quand vous appuyez sur le champignon, la batterie ne se rechargera pas. Au contraire, et c’est normal.

En effet, ce n’est pas le but : le but d’une EV c’est d’utiliser l’électricité pour se déplacer, donc de faire tourner les roues avec l’énergie d’une batterie. Pas de recharger la batterie. La recharge, elle se fait sur une borne ou une prise chez vous.

Ce qui arrive en revanche, c’est que l’énergie cinétique de votre voiture (votre vitesse) est réinjectée dans la batterie lorsque vous freinez pour vous arrêter. En freinant, vous voulez délibérément réduire votre énergie cinétique. Dans une voiture normal, cette énergie est envoyée dans les freins et perdue ; dans une électrique ou une hybride, cette énergie est réinjectée dans la batterie pour être réutilisée.

Dans une EV, grâce au moteur électrique qui fonctionne aussi bien en dynamo, vous récupérez quelques kilowatts. En descente aussi : au lieu de freiner avec les freins, vous utilisez votre frein moteur régénératif : les roues font tourner le moteur en mode dynamo et vous ralentissez tout en réinjectant l’énergie dans la batterie.

Une chose est sûr, si votre batterie indique 100 km d’autonomie, vous n’en ferez pas 200 en disant « de toute façon la batterie va se recharger en roulant ».
Ça semble évident, mais j’ai déjà entendu la remarque.

Idée reçue 2 : « il faut absolument freiner, comme ça la batterie se recharge ! »

Non.
Il ne sert à rien de monter à 100 km/h puis de laisser la voiture ralentir en espérant recharger la batterie. Cela ne marchera pas.

Ce que vous consommez en courant pour monter à 100 km/h sera toujours supérieur à ce que vous récupérerez lors de la décélération.

Tout simplement car à chaque transformation d’énergie, il y a des pertes. Ainsi, quand on convertit de l’électricité en vitesse, on perd 10 %. Et si l’on cherche à transformer cette vitesse en électricité via la récupération, on perd de nouveau 10 % (juste pour info, pour ceux qui se diraient « les EV c’est nul, y a des pertes » : dans une thermique, les pertes énergétiques constituent 60 à 80 %, hein).

Donc sur tout le cycle électricité → vitesse → électricité, on n’a récupéré que 80 %. En vrai, d’ailleurs, on perd nettement plus lors de régénération, mais je ne rentre pas dans les détails.

Retenez simplement que si vous voulez aller loin, il est inutile de chercher à aller dans la zone « régénération » à tout prix. Au contraire : si vous régénérez, vous ralentirez, et si vous ralentissez, ben ça ne sert à rien car une voiture ne sert pas à ça. C’est contre-productif.
Le but c’est de faire un max de kilomètres avec une charge : si vous ralentissez, vous n’augmenterez pas les kilomètres aussi vite, ni aussi efficacement que si vous maintenez votre allure en laissant l’énergie fluer toujours des batteries vers les roues.

Le freinage régénératif est juste un bonus qui permet de récupérer de l’énergie qui serait autrement perdue.
Cela est utile dans les grandes descentes en montagne (où l’on récupère plusieurs dizaines de kilomètres d’autonomie en descendant un col de 1000 mètres par exemple), mais ça n’est pas en montant une montagne puis en descendant qu’on recharge une EV. Une hybride simple, oui, mais pas une EV : les deux sont différents.

Idée reçue 3 : « L’autonomie est plus grande en ville que sur l’autoroute ! »

Ceci est vrai.

Contrairement à une voiture thermique, la voiture électrique aura une autonomie la plus grande à basse vitesse, tout simplement, car l’efficience du moteur électrique ne dépend pas de la vitesse (contrairement au thermique).
Il ne subsiste alors que les frottements de l’air et de la route, qui eux sont beaucoup élevés à haute vitesse. Une thermique a un rendement désastreux à faible vitesse, mais pas une électrique.

C’est pour cette raison qu’il existe autant de petites voitures électriques citadines : Citroën C0, Peugeot Ion, Renault Twizzy, etc. : ces voitures ont une petite batterie pensée pour le quotidien et en ville et s’en sortent très bien. La Poste utilise une importante flotte de véhicules électriques car les tout petits trajets entrecoupées d’arrêts sont le top pour un moteur électrique, mais un enfer pour une thermique.

Beaucoup mieux qu’une grosse voiture Diesel, où les trajets courts et lents sont juste une catastrophe écologique et économique : les moteurs thermiques sont à leur plus économique rapporté au kilomètre à vitesse raisonnable (80-110 km/h), mais en dehors, même en dessous, ils consomment davantage au 100 km.

Bien-sûr, il existe aussi des EV avec des grosses batteries pour faire de la route : Tesla, Zoe, Ioniq, e-Golf, etc. : ces voitures font 300 à 500 bornes. Mais là aussi, le débat n’est pas là.

Idée reçue 4 : « on regarde constamment sa jauge ! »

Alors oui, au début, on surveille ça jauge. En tout cas, perso je l’ai fait : c’était ma première voiture électrifiée. Ceci dit, avec ma thermique avant, je regardais aussi la jauge de gazole, bien-que ça descendait nettement moins vite.

Mais une fois qu’on a pris l’habitude, et qu’on visualise ce qu’une recharge complète peut faire, on ne regarde plus. Je sais que j’arriverais à destination quoi qu’il arrive, donc on s’en fiche ! Je ne découvre plus la capacité de la batterie, désormais, tout comme je ne découvre plus la capacité d’un réservoir d’essence.

Si vous avez 200 km d’autonomie, que ce soit en électrique ou en essence, et qu’il vous reste 300 km à faire, vous savez que vous aurez à vous arrêter. Mais si c’est juste un trajet de 100 km, alors il n’y a aucun problème.

Après on va me dire qu’avec qu’une PHEV, c’est de la triche : si la batterie est vide, j’ai encore 1 000 km d’autonomie en essence. Mais quand-même : je pense que les conducteurs d’EV purs le diront : au début, ouais on surveille un peu, mais après, quand on connaît la voiture, non.

En fait, sur une EV, il convient de charger dès qu’on peut le faire. Pas forcément quand la batterie est vide.
Quand on a une thermique, on fait le plein une fois par mois quand y a plus d’essence et c’est reparti. On ne retournera à la pompe que le mois suivant.

Quand on a une électrique, on recharge quand on peut, c’est-à-dire tous les soirs en rentrant chez soi, typiquement.

Du coup, l’autonomie de 300 km, on n’en voit jamais le bout : le plein est fait tous les matins sans s’en rendre compte. Ce n’est donc pas parce que vous faites 500 km par semaine (5 × 100 km) que vous aurez du mal à rouler avec une électrique qui a 300 km d’autonomie : au contraire, c’est largement assez !

Sur une électrique, on recharge quand on fait ses courses, quand on est au Mc Do, ou dans n’importe quel parking équipé. Brancher un câble, ça prend 30 secondes (10 secondes quand la borne dispose elle-même déjà d’un câble). Donc la jauge remonte souvent et la batterie n’est jamais vide.

Les 300 km d’autonomie ne sont alors limitants que lors d’un trajet fait d’une seule traite plus long que ça.

Idée reçue 5 : « les bornes sont toujours en panne ! »

Alors là, oui.

Je n’ai qu’une PHEV, donc je m’en fiche un peu, mais je cherche quand-même à voir comment ça se passe et où sont les bornes, à quoi elles ressemblent, leurs différences…

Et pour le coup, je dois bien dire que les bornes ne sont pas assez nombreuses (2 prises pour un parking d’hypermarché, par exemple), donc souvent occupées… et souvent en panne.
Il m’est déjà arrivé de faire 150 km en traversant des tas de villages et à chaque fois, les bornes étaient en panne. Ceci serait impensable pour des stations essences, mais semble la norme ici. Selon les endroits, en trouver une qui marche relève de l’exploit.

Et quand je parle d’une borne en panne, c’est soit une borne qui affiche une erreur, soit une borne totalement éteinte et impossible à allumer.
Je ne parle même pas du lancement de la charge : erreur de paiement, type d’abonnement, mauvais câble/prise, place occupée par un 4x4….

Il y a des applications, comme l’indispensable Chargemap, qui recensent les bornes et permettent de dire en direct si elles marchent ou non. C’est cool et collaboratif, mais ça ne suffit pas pour combler un réseau de charge défaillant.

Pour le reste, une EV sera bien pour les trajets de tous les jours (la preuve : même avec ma PHEV et mes 60 km d’autonomie je fais tout en électrique), mais dès que vous voulez allez plus loin, il faut encore prévoir son trajet et prier pour ne pas tomber sur une borne en panne ou occupée.

À mes yeux, à ce jour, il n’y a que Tesla qui a ce qu’il faut : les stations sont correctement implantées, la recharge est rapide et les stations sont grandes (6 à 10 places) et donc rarement occupées à 100 %. Mais une Tesla, c’est cher. Comme je l’ai déjà dit, c’est pour ça que je suis sur une PHEV. Les EV autres que Tesla sont une blague à cause du réseau de charge, et je fais régulièrement des trajets de 300+ km, d’où mon problème.

Idée fausse 6 : « la conduite électrique, c’est mou ! »

Non.
C’est tout simplement faux.

La plupart des voitures ont un mode « éco » qui limite le couple moteur et réduit ainsi la consommation. Mais ils ont aussi un mode « normal » ou un mode « sport », où l’ordinateur de bord débride tout ce que la batterie et le moteur peuvent donner, et là le moindre coup d’accélérateur et on a l’impression de décoller.

Même avec une « petite » voiture électrique (Zoé par exemple), les démarrages sont de très loin plus puissants que n’importe quelle voiture thermique (hormis bien-sûr des sportives et les supercars, bien que les Tesla accélèrent plus vite entre 0 et 100 que la grande majorité d’être elles).

Ah et c’est silencieux en plus de ça et l’entretien se limite au lave-glace, quel confort !

Idée reçue 7 : « les voitures électriques ont toutes des looks de soucoupes volantes ! »

Alors la plupart des EV ont des looks atypiques, autant dehors que dedans, c’est vrai.

La raison est probablement parce que ces voitures sont différentes, à la fois sur leur philosophie, leur façon qu’elles se conduisent… et leur conception.

Les constructeurs peuvent briser le moule vieux d’un siècle pour s’aventurer sur des designs innovants et différents.

Les voitures électriques ont ainsi 5 vraies places (la place centrale à l’arrière n’est plus gênée par le passage du pot d’échappement par terre), beaucoup d’espace de rangement (pas de boîte de vitesse volumineuse, un coffre à l’avant et à l’arrière, et la grande souplesse dans la gestion du ou des moteurs autorise une intégration beaucoup plus poussée de l’électronique de bord.

D’où leur côté futuriste par rapport à une voiture thermique de gamme normale.

Ceci dit, il existe aussi des voitures électriques qui ressemblent à une voiture traditionnelle : suffit de voir la Hyundai Ioniq, celle que j’ai (en PHEV). Certes le look est atypique à lui-seul, mais l’intérieur ne ressemble pas à un cockpit de navette spatiale, bien au contraire.
Et comme Hyundai a fait un châssis commun pour la HEV, la PHEV et l’EV, la version électrique pure a le même look, globalement.

Ces voitures étant également plus chères à construire, le client doit en avoir pour son argent, et le constructeur est « obligé » d’en faire une voiture plus haut de gamme, avec beaucoup d’options à la pointe ou à la mode.

Car oui, il faut le dire : des voitures électriques d’entrée de gamme (10 à 15 000 €) et avec une autonomie acceptable (> 300 km) n’existent pas encore.

Idée reçue 8 : « l’autonomie annoncée n’est jamais atteinte ! »

Alors oui, les autonomies, sont toujours mieux dans les publicités qu’en vrai. Il en va de même pour les consommations en carburant des voitures thermiques.
Les autonomies « constructeurs » sont aussi calculées sur des cycles de conduits bien précis (cycles normalisé « WLTP »). Ces cycles permettent au mieux de comparer un véhicule à un autre, mais ne sont pas représentatifs de la vie normale, encore moins à votre conduite à vous, qui diffère de la mienne ou de celle n’importe qui.

Si la pub dit 4 L/100 km, en vrai vous serez au moins à 5 L/100 km. C’est pour ça qu’il est essentiel d’essayer une voiture avant d’acheter.

De plus, les autonomies qui s’affichent dans votre voiture tiennent compte de votre façon de conduire et des conditions de conduite (température, météo etc).

On note cependant quelques constantes, comme le chauffage.

Une voiture thermique propose un chauffage issue des pertes thermiques du moteur. Le chauffage n’augmente donc pas la consommation.
Dans une électrique, les pertes thermiques sont minimes. Le chauffage se fait donc par des résistances chauffantes, reliées à la batterie. Si l’on met le chauffage, l’autonomie diminue car on tire de l’énergie dans la batterie.

Cette diminution est d’environ 10 à 20 % selon les voitures (plus le trajet est long, plus on s’approche des 10 %). En revanche, le chauffage et le désembuage sur une électrique prend 10 secondes : pas besoin d’attendre que le moteur chauffe. C’est l’avantage.

Autre point : les pneus.
C’est par les pneus que le moteur transmet sa puissance à la route et force l’avancée de la voiture.
Par conséquent, le choix des pneus influe beaucoup sur l’autonomie et la consommation. Les pneus été, à la gomme plus dure et avec une résistance au roulement plus faible permettent des économies d’énergie, alors que les pneus hiver, plus tendres, provoquent davantage de pertes élastiques et forcent une consommation plus importante. Là aussi, cela peut aller jusqu’à 10 % d’autonomie en moins en hiver. Ceci est valable pour toutes les voitures, EV ou non.

Aussi : la météo
Si vous avez les essuie glace, les phares, le désembuage allumés… la batterie 12 V se vide et c’est la batterie de propulsion qui la recharge. De plus, un moteur électrique consomme d’autant plus que la charge sur le moteur est importante (alors qu’un moteur thermique, c’est l’inverse, et c’est la vitesse de rotation qui influe le plus). Un véhicule électrique est donc beaucoup plus sensible au vent, y compris latéral. D’un autre côté, un vent arrière sera un net avantage sur la consommation, plus nette que sur une thermique.

De plus : votre conduite
La conduite électrique est différente d’une thermique, ou d’une hybride. Je reparlerais de la conduite hybride dans un autre article, mais sur une thermique, la conduite la plus efficiente est atteinte quand le moteur tourne lentement et à forte charge. C’est à dire qu’il faut éviter de monter dans les tours et d’y rester, et passer au rapport de vitesse plutôt tôt que tard.
Aussi, une voiture électrique se recharge lorsque vous freinez : à l’approche d’un STOP ou d’un rond point, d’un feu, relâchez l’accélérateur et laissez la voiture glisser sur son élan, puis utilisez le freinage régénératif (dans la Ioniq, ça passe par les palettes au volant). Si vous maintenez votre allure et que vous freinez des plaquettes sur les 5 derniers mètres (conduite sportive), vous consommez davantage à cause de l’allure maintenue, mais en plus vous ne récupérez pas l’énergie au freinage comme la voiture peut le faire… et vous usez vos plaquettes inutilement : utiliser massivement le freinage régénératif permet d’économiser les plaquettes en plus de toutes les économies précédentes.


Il est évident que tout ça ne doit pas être une prise de tête constante.

Mais je peux vous assurer, et ça vaut même sur une thermique, qu’une conduite légère permet de consommer moins et d’économiser beaucoup. Une petite essence consomme 4,4 L/100 km en ville+campagne+autoroute si l’on s’y prend bien (et sans se trainer !).

De même, une électrique pourra tenir ses promesses si on apprend à l’utiliser en gardant en tête son fonctionnement différent d’une voiture thermique.

Enfin, spécifiquement pour la Hyundai Ioniq…

Les autonomies annoncées pour la Ioniq se tiennent dans les conditions idéales (pas de chauffage, beau temps, pneus été) et à vitesse légale. Je fais 60 km avec une charge pour 62 annoncés. C’est totalement correct.

Les autonomies affichées sur le tableau de bord semblent, elles, très justes et fiables. C’est une remarque qui revient très souvent chez Kia-Hyundai (Ioniq, Kona, Soul…).

Donc globalement, si la voiture vous indique 20 km, vous tiendrez ces 20 km sur le plat (car c’est sûr que si les 20 derniers km jusqu’à chez vous se font avec une pente à 10 %, les choses sont différentes, bien que l’ordinateur de bord connaît la topographie du terrain et en tient compte si vous utilisez la navigation assistée).

Quoi retenir ?

Si je dois résumer ce que la conduite en EV implique, je dirais :

  • rechargez quand vous pouvez, tous les soirs typiquement : vous ne verez pas le bout de la batterie et vous pourrez faire 1 000 km sans consommer une goutte d’essence.
  • au quotidien roulez en écoconduite ou conduite normal, pas sportive
  • en hiver, les pneus et le chauffage influent fortement (10-20 %) sur l’autonomie.

Ces deux derniers points sont valables également pour les voitures thermiques. Mais vu qu’une thermique fait plutôt 600 à 1000 bornes avec un plein, l’autonomie n’est pas réellement un argument de vente, d’autant plus que les stations services sont plus nombreuses que les stations de charge.

Ça va changer, je l’espère, en attendant faut faire avec.

Photo d’une centrale électrique nucléaire.
Voir :

Merde, je vais être obligé de plussoyer Macron. C’est grave docteur ?

Actuellement, d’énormes investissements sont faits dans le renouvelable, mais ça ne suffit juste pas à compenser à la fois la hausse de la consommation, et les centrales nucléaires qui sont fermées.

En fait, il le dit très bien : le mix doit se diversifier, et les parts d’énergies renouvelables doit augmenter, mais le nucléaire ne doit pas s’éteindre pour autant.

Pour voir pourquoi ça serait absurde, il faut revenir au début : pourquoi fait-on du renouvelable, au juste ?

Réponse : pour endiguer les émissions de CO2.

Maintenant, est-ce que le nucléaire émet du CO2 ? Non.
La France est l’une des championnes du monde de l’électricité décarbonée grâce à la forte proportion d’énergie nucléaire dans son mix électrique.

Si on ferme les centrales nucléaires pour les remplacer par du charbon et du gaz, car l’éolien et le solaire sont intermittents, ben autant ne pas faire de renouvelable.
En termes de CO2, il vaut mieux avoir 100 % de nucléaire que 80 % de renouvelable et 20 % de fossile pour compenser les intermittences.

Il en parle aussi : le stockage d’électricité. C’est un autre problème.

Ça ne sert à rien de recouvrir la France entière de panneaux solaires et 20 fois notre consommation chaque jour si c’est pour se retrouver dans le noir durant la nuit, lorsque ces panneaux produisent que dalle.

Des moyens de stockage, ça existe.

Il y a des batteries, bien-sûr.

Pas forcément au lithium : le lithium, c’est actuellement la forme la plus dense d’électricité que l’on ait. Elle doit (selon moi) être réservée aux applications qui ont besoin de ça (voitures, ordis, téléphones, appareils nomades).

Quand une importante densité d’énergie n’est pas nécessaire, on peut utiliser d’autres technologies : remplir des fondations d’une maison ou d’un immeuble de batteries énormes me parait une solution totalement viable : on s’en fout d’avoir des batteries compactes et légères si la place n’est pas un problème et si elles ne vont pas bouger.

Mais y a pas que les batteries ! Y a d’autres solutions, et beaucoup d’autres :

  • le pompage hydraulique : le surplus d’énergie à un instant T sert à pomper de l’eau dans les barrages, pour une utilisation ultérieure. C’est déjà largement utilisé en France, durant les périodes creuses. Un barrage permet de stocker de l’énergie de façon très simple. Il suffit d’avoir de l’eau en hauteur. En utilisant le surplus d’électricité pour faire remonter de l’eau de la vallée dans les barrages, on stocke de l’énergie ;
  • le stockage par énergie potentielle gravitationnelle : même principe que pour les barrages (qui font partie de cette méthode), sauf qu’ici, le surplus d’énergie tire une énorme masse solide vers le haut, par exemple un wagon lesté au béton tiré vers le haut sur une colline. Quand on a besoin de l’énergie, on laisse le wagon redescendre en tirant sur un câble qui fait tourner un alternateur (voir là, avec la startup américaine ARES) ;
  • la production d’hydrogène : le surplus (généralement produit localement, de surcroît) sert à produire de l’hydrogène, qu’on peut utiliser dans une pile à combustible ultérieurement. On a juste besoin d’eau, et ça ne rejette que de l’eau également. Produite par une énergie propre, l’hydrogène est l’énergie idéale ;
  • le stockage sous forme de chaleur : en chauffant d’énormes quantités d’eau en journée, on peut chauffer toute une ville durant la nuit (je n’ai pas d’exemples où ça se fait, mais à l’échelle d’une maison, je vois tout à fait un chauffe-eau solaire pomper des MW dans un bidon d’eau enterré dans le sol, pour un usage l’hiver avec des pompes à chaleur : l’eau a une capacité thermique exceptionnelle, de très loin plus élevée que l’acier, la brique, l’or…) ;
  • le stockage mécanique : le surplus d’électricité fait tourner des volants à inertie de plusieurs dizaines de tonnes. Quand la production s’estompe, les roues en rotation rapide ont une énergie considérable qui peut être utilisée pour produire du courant (voir le Gyrobus : un bus qui utilisait ça pour avancer) ;
  • les fermes de super-condensateurs : plutôt que d’utiliser des batteries où l’énergie est stockée sous forme chimique, on utilise des condensateurs (charge rapide, forte tension, mais faible capacité), et des super-condensateurs (charge lente, faible tension mais très forte capacité) ;
  • le stockage sous forme de chaleur latente : la chaleur fait fondre du plomb, de l’étain, du gallium… Et la chaleur latente est récupérée en cas de besoin. C’est le principe derrière les chaufferettes de poche ;
  • le stockage d’énergie magnétique par supraconducteurs : le surplus d’énergie est stocké dans un courant traversant un supraconducteur. Le supraconducteur n’étant pas résistif, le courant circule indéfiniment avec une intensité aussi forte que l’on peut imaginer. Pour le récupérer, il suffit de placer une bobine à côté du supraconducteur et le courant sera peu à peu transférée dans la bobine. La bobine peut alors être branchée où l’on souhaite et alimenter ce qu’on veut. Là aussi [ça existe déjà[/?id=20200907165047] et ça s’appelle des SMES (superconducting magnetic energy storage) et c’est utilisé dans les centres de recherche pour ne pas dissiper l’immense énergie magnétique d’un électroaimant quand on l’éteint ;
  • le stockage par air comprimé : le surplus d’énergie alimente un compresseur qui stocke de l’air comprimé. En cas de besoin, l’air comprimé peut alimenter une turbine. Cette méthode a un rendement pourri si on utilise un ventilateur, mais si on utilise des turbines de Tesla (le scientifique, pas la marque), le rendement avoisine les 80 % en conditions réelles dans la mise en rotation de la turbine. C’est déjà utilisé dans certaines centrales thermiques, où l’air sous pression (la vapeur sous pression en fait) provient de la combustion du combustible. À plus petite échelle, Peugeot-Citroën testait ça avec leur système « Hybrid Air » dans certaines voitures, mais le système semble avoir été abandonné ;
  • probablement des tas d’autres méthodes, déjà existantes ou à imaginer

Les méthodes ne manquent clairement pas. Et le « mix énergétique » ne se limite pas au renouvelable, le nucléaire, le fossile.

Ce n’est que mon avis, mais je pense que l’ère des grandes centrales et d’un vaste réseau doit être repensé. Si chaque toit de maison avait son panneau solaire thermique ou photovoltaïque, chaque jardin avait son ballon d’eau chaude thermiquement isolé, si chaque espace perdu dans les immeubles, les murs, les montagnes pouvaient accepter des batteries chimiques, mécaniques, hydrogène… on pourrait stocker l’énergie où l’on veut et au plus prêt du consommateur, limitant les ~30 % de pertes d’énergie lié au transport, et captant le moindre MW d’énergie que le soleil, le vent ou la pluie nous apporte en permanence.

Aussi, je ne vois pas trop l’intérêt de transformer de la chaleur en électricité dans les centrales si c’est pour la retransformer en chaleur chez le consommateur. Il y a beaucoup de pertes à chaque transformation et chaque transport. Autant directement brûler le combustible chez le client. Et utilisez des pompes à chaleur : c’est beaucoup plus efficace et moins cher et moins polluant que le gaz ou l’électricité pour chauffer.

image d’en-tête de Nicolas HIPPERT