La série Friends : sexiste, homophobe et grossophobe ?
Friends es tune série des années 1990, et en 2018, les nouveaux jeunes adultes qui débarquent ne l’ont pour la plupart jamais connu. En 20 ans, quoi qu’on en dise, le monde a changé et ceux qui se sont mis à cette série la trouvent visiblement sexiste, homophobe et grossophobe.
Oui c’est vrai.
La série est parsemée de blagues dénigrantes, de moqueries envers les femmes, les homosexuels et les gros.
Et ?
Oui, et alors ?
Parce que premièrement, avant toute chose, ce ne sont pas les seules blagues qui sont présentes (résumer la série à juste celles-là serait aussi mensonger que de les ignorer totalement).
Et ensuite, et c’est le fond de ce que je vais développer, cette série se replace dans son époque (comme toute œuvre, texte, citation) : ce genre de blagues en faisaient rire beaucoup, pleurer certains. Ce n’est pas forcément bien, dans certains cas c’était même très mal.
Mais c’était l’époque des années 90 (j’imagine que c’était pire avant, et moins pire après : on appelle ça le progrès).
Ça n’a pas de sens d’en vouloir — aujourd’hui — aux acteurs, aux créateurs et même au public de la première heure de cette série : l’époque était ainsi.
Les séries, les livres, les BD, les jeux vidéos (oui oui, il y en avait déjà) étaient basés sur des idées et des blagues similaires. Elles étaient le reflet de la société de l’époque, comme les séries, les livres, les BD et jeux vidéos d’aujourd’hui sont le reflet de notre époque, et comme les œuvres de demain refléteront la société et l’époque de demain aussi.
Et puis, quand-même, disons le : si certains sont traumatisés par Friends, qu’ils regardent un film des années 1970, voire d’avant. Je me demande s’ils vont tout simplement survivre à ce terrible visionnage (dont ils ne manqueront pas, je suis sûr, d’en demander la censure immédiate).
Le reproche fait aujourd’hui à la série rejoint exactement le reproche que certains font à Victor Hugo pour un discours qui date de 1879 :
Quelle terre que cette Afrique! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire; l’Afrique n’a pas d’histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touchée, pour la supprimer; et, quand elle s’est crue délivrée de l’Afrique, Rome a jeté sur cette morte immense une de ces épithètes qui ne se traduisent pas: Africa portentosa! (Applaudissements.)
(le reste est sur l’article initial)
Oui, Victor Hugo a écrit un discourt raciste.
Oui, le monde de Victor Hugo était un monde raciste.
Oui, Victor Hugo était probablement aussi raciste.
Un autre exemple : cette fois concernant l’antisémitisme dont fait preuve un autre « grand homme », Voltaire :
Ainsi, l'idée que tous les hommes sont issus d'un même père et d'une même mère, Adam et Eve, est fausse. Les races humaines n'ont rien à voir entre elles. Elles ont des origines différentes.
La religion chrétienne est mauvaise dès le départ. En effet, elle prolonge la religion juive, qui est celle d'une nation odieuse et ennemie du genre humain. La religion chrétienne a hérité des tares du judaïsme.
(source)
Bien-sûr, aujourd’hui ce discours est choquant ! (tout autant que les agissements d’Israël envers la Palestine, mais c’est autre chose… tra lala lala)
Bien-sûr que Voltaire avait des idées profondément antisémites que dans son projet d’encyclopédie il a probablement contribué à partager.
Bien-sûr, il a probablement fait beaucoup de mal au monde avec tout ça.
Mais là encore, qui est responsable de tout ça : Voltaire en personne ? Ou l’époque, la société, les idées et les coutumes qui lui étaient contemporaines ?
Les exemples ne manquent pas. Certains parlent des discours racistes de Lincoln, d’autres s’offusquent des noms présents sur la Tour Eiffel, où ne figure pas une seule femme parmi 72 hommes. Ils ont raison de s’offusquer, mais c’est se tromper d’époque !
Le sexisme, le racisme, l’antisémitisme étaient considérés comme normaux.
Tout comme, en science, il était normal, de penser que le Soleil tournait autour de la Terre. Après tout, c’était ce que tout observateur terrestre voyait de ses propres yeux quand il levait la tête au ciel. Il a fallu attendre Léon Foucault en 1851 pour démontrer avec son célèbre pendule, le pendule de Foucault, que la Terre est bien en rotation sur un axe (et ce n’est qu’un seul exemple…).
Le monde fonctionnait ainsi : tout ça n’était que normalité pour n’importe quelle personne vivante à ce moment là. Ceux qui remettaient tout ça en cause étaient alors des illuminés, des révolutionnaires, voire des fous qui finissaient arrêtés par la police (comme par exemple Rosa Parks) !
Heureusement, ce sont bien leurs idées qui ont réussi à trouver la place dans le monde actuel, et c’est grâce à eux que l’esclavage n’est plus aujourd’hui (il n’est plus légal, en tout cas…) et le racisme étatique a également disparu (là aussi, sur le papier, du moins). Le monde n’est pas encore parfait, c’est clair, et il ne le sera sûrement jamais, mais on on peut affirmer qu’il est de moins en moins imparfait. Et c’est ça qui compte !
Critiquer les erreurs faites par les gens du passé, c’est facile. Tout le monde peut le faire, même les « millénials » manifestement, mais ça ne sert à rien car le passé ne changera pas. L’histoire ne peut pas être remise en cause. L’histoire ne doit pas servir comme argument envers et contre les gens et les époques, il doit servir de leçon pour pour ne plus répéter les mêmes erreurs à l’avenir. Car c’est l’avenir qui compte ! Or, personne ne dira le contraire là aussi : interroger l’avenir et proposer des solutions, ça, c’est beaucoup plus difficile. Et c’est aussi pourquoi bien moins de monde n’est là pour le faire…
Pour la raison que c’est facile, tout le monde se plaint que les actions négatives du passé ont des répercutions sur le présent. Mais personne ne se réalise qu’il est tout aussi facile de réaliser que ses actions aujourd’hui auront des répercutions dans le futur ! Et ça, ça passe par ce qu’on fait dans la vie au jour le jour : le choix du futur, notre futur, réside entre nos mains aujourd’hui. Alors on continue de faire les cons, ou on arrête ? Ou bien pour le dire : voulons nous un futur de merde, ou souhaitons nous qu’il soit digne de ce que l’être humain sait faire de plus beau ?
Le futur s’écrit aujourd‘hui, mais pitié, laissez le passé tranquille : il n’est pas possible de le changer. Ne l’ignorons pas, mais soyons indulgent avec lui : il n’avait pas encore l’expérience de ses erreurs pour se corriger. C’est nous, aujourd‘hui, qui l’avons. Alors servons nous en.
Et, puisqu’il faut tout de même le souligner : si aujourd’hui certaines séries, films, œuvres choquent parce qu’elles sont sexistes ou racistes, c’est bien un signe que la société a évolué dans le bon sens. Et ça c’est tout de même quelque chose de magnifique qu’il faut à tout prix continuer.