50 000 km en EV : où en est la dégradation de la batterie ?
Après un long trajet récemment, je suis arrivé au chargeur avec 1 % de batterie.
Je me suis dit que j’allais en profiter pour faire une recharge complète de 0 à 100 %. Ça permet de recalibrer le système de gestion de la batterie, ou BMS (battery management system).
Un recalibrage ?
Le BMS, entre autres choses, mesurent le pourcentage de la batterie en mettant en relation la tension aux bornes des cellules avec le pourcentage. De façon caricaturale, une pile de 3 V qui indiquerait 1,5 V, serait à 50 %.
Cet exemple est effectivement caricatural : en réalité la courbe n’est pas linéaire. Sur les batteries Li-Ion, la baisse est très prononcée entre 100 et 95 %, puis quasiment nulle jusqu’à 5 %, et ensuite chute brutalement :
Sur les LFP, la portion entre 95 % et 5 % voit la tension baisser vraiment faiblement, voire pas du tout. Mesurer le pourcentage est alors extrêmement aléatoire. Les BMS intègrent donc également un compteur d’énergie : ils comptent les kilowattheures qui entrent (charge et régen) et qui sortent (décharge). Sauf que cette mesure peut dévier avec le temps et la mesure peut se retrouver à la rue. La voiture peut alors aussi bien continuer de rouler 30 km en dessous de 0 %, que s’arrêter totalement alors qu’elle affiche encore 5 %. Un calibrage de temps à autre permet de remettre les pendules à l’heure.
Faire ceci n’est pas obligatoire ni demandé (sauf quelquefois pour les batteries LFP), et les charges/décharges normales suffisent en général pour l’estimation acceptable du pourcentage de niveau de charge, mais une telle opération de décharge totale, puis une charge complète constitue également une façon de mesurer la dégradation de la batterie.
Mesurer la dégradation
Si l’on a une batterie de capacité nominale de 100 kWh, et que lors d’une charge de 0 à 100 %, elle absorbe 80 kWh, ça signifie qu’elle a perdu 20 % de sa capacité.
Quand on demande à son garage ou sa concession de mesurer la dégradation, c’est ce qu’ils font. Certaines voitures dans leur mode « ingénieur » généralement caché, propose une telle fonction (c’est le cas chez Tesla)
Les garages ou le « mode ingénieur » des voitures s’y prennent en vidant la batterie totalement, généralement en cramant toute l’énergie via le système de chauffage (on chauffe l’habitacle les fenêtres ouvertes pour vider l’énergie — inutile de dire qu’il vaut mieux arriver au garage avec une batterie déjà vide). Ensuite, ils effectuent une recharge complète d’une traite. Cela prend du temps (plusieurs heures au minimum).
D’où mon souhait d’en profiter vu que la batterie était vide à ce moment-là.
On peut évidemment lire la capacité de la batterie à tout moment, mais comme expliqué plus haut, si le compteur d’énergie n’a pas été recalibré depuis longtemps en faisant le « 0 », ce compteur peut être déréglé. D’où la nécessité, pour une lecture précise, de passer par une décharge complète.
Le « buffer » sous-zéro
En vrai, je suis arrivé à la borne avec 1 %, et 4 km d’autonomie restantes. Avec mon lecteur OBD, j’ai vu voir qu’il me restait environ 600 Wh (ou 0,6 kWh) dans la batterie. Sauf que… ça ne correspond pas à l’énergie réellement dans la batterie. Le pourcentage réel, visible avec un lecteur OBD dans mon cas, c’est « % BMS ». Et lui, il affichait alors 5 %. L’on parle également d’un buffer sous-zéro.
Il n’est pas recommandé de s’aventurer à ces niveaux-là de façon régulière, mais il faut savoir que c’est présent sur certaines voitures.
Sur les Hyundai, quand on arrive à 0 % affiché, il reste en réalité 5 % d’énergie. On a donc une petite réserve d’énergie (5-10 km) qui permet de se ranger en sécurité ou de rejoindre un chargeur, ou, à défaut, une prise électrique.
Notons quand-même que la voiture se met alors en mode dégradé : la puissance est réduite, la vitesse limitée, et le chauffage est coupé.
On peut juste rouler à faible allure jusqu’à ce qu’elle soit réellement à sec. Si jamais ça arrive, stationnez-vous et ouvrez la trappe de chargement. Coupez aussi tous les accessoires, car il ne faut pas que la batterie 12 V se vide elle aussi (si la grosse batterie est vide, elle ne peut plus recharger la 12 V et on aurait un problème, car le système de chargement ne se lancerait pas au moment de brancher un chargeur).
Sur d’autres voitures, comme les Porsche, quand ça affiche 0 %, c’est réellement 0 %. Cela dépend donc de la voiture. Faites attention.
Revenons à ma voiture : les kWh disponibles affichés dans l’appli OBD sont arrivés à zéro quand j’ai atteint 0 % affichés. Les 5 % du buffer sous-zéro ne sont donc pas contenus dans les Wh affichés. Là aussi, je ne sais pas si c’est spécifique à Hyundai ou pas, mais c’est bon à savoir. La seule valeur qui représente physiquement le contenu de la batterie, c’est le « % BMS »… aux erreurs de calibrations près, donc.
Dans mon cas, afin de vider la batterie jusqu’à l’extrême, j’ai fait quelques petits tours du parking. Je suis ainsi descendu jusqu’à 2 % BMS, après quoi j’ai décidé de recharger.
Recharge complète & mesure de la dégradation
Je me suis volontairement mis sur une borne 50 kW au lieu d’une 350 kW. Il était tard, la station était déserte. Je ne bloquais personne en monopolisant la station tri-standard non plus.
Je ne voulais pas mettre de contrainte thermique inutiles sur la batterie. Charger à très haute puissance chauffe la batterie, et même si le système de gestion thermique est excellent sur cette voiture et sert à ça, cela consomme de l’énergie et pourrait éventuellement fausser la mesure.
Charger à 50 kW n’a que peu chauffé le pack batterie (je suis passé de 12 °C à 30 °C). Si j’avais été pressé, j’aurais probablement chargé sur un chargeur 350 kW.
Bref, ça a mis 2 heures pour charger jusqu’à 100 %, jusqu’à ce que ça coupe la charge tout seul.
À la fin, le BMS affiche 73 688 Wh dans la batterie et la borne m’a facturé 81 370 Wh (pour 28 €). La différence est essentiellement liée au chauffage et à la ventilation dans la voiture, que j’ai laissé allumé, car j’étais dedans pour me reposer, ainsi qu’à ce que la voiture utilise pour charger (alimentions du BMS, préchauffage de la batterie vu qu’il faisait froid, etc.). Rien de vraiment anormal.
Ici, le tableau de bord indiquait alors 100 %, mais le BMS indiquait 96,5 %. Là encore, c’est tout à fait normal : le système place son 100 % accessible à 96 % de la capacité réelle pour éviter de monter trop haut. Comme j’ai dit, sur les batteries au lithium, au-delà de 95 %, la tension affiche une pointe et c’est une des choses qui use soit néfaste pour les batteries.
Pour résumer sur ce point :
- 0 % affiché → 5 % réels
- 100 % affiché → 96,5 % réels
La plage affichée 0-100 % correspond donc en vérité la plage physique de 5-96 % de la batterie. On peut piocher dans les 5 % en bas (en cas d’urgence, mais ne comptez pas dessus si la batterie n’est pas calibrée), mais jamais dans les 4 % du haut (qui peut toutefois parfois servir à la régen quand la batterie est pleine, mais ça dépend là aussi des voitures et de sa condition).
Sur le papier, ma voiture contient une batterie de 77,4 kWh, avec 74 kWh accessibles.
Or, ma batterie, après 50 000 km, en est toujours à 73,7 kWh accessibles.
J’ai donc perdu environ… 0,3 kWh ! Soit environ 2 km d’autonomie.
Autrement dit, pratiquement rien.
Le lecteur OBD que j’utilise me permet de voir un indicateur de santé de la batterie. La voiture fournit ça, et il indique 100 % depuis toujours. Comme j’ai la voiture depuis deux ans et que je roule beaucoup, je me méfiais un peu de l’honnêteté de cette information. J’avais lu ailleurs que cette valeur était honnête et fiable et utilisée par Hyundai en interne, mais j’avais un doute quand-même : 0 dégradation ? après 50 000 km ? Il me fallait le voir pour le croire.
Mais je l’ai vu et je le crois : ma batterie n’a rien perdu après 50 000 km. Les quelques Ioniq 6 qui se sont faite tester en concession font état du même constat : une très très faible usure.
Ma voiture est probablement pas trop mal traitée : charge quotidienne en AC, limitée à 80 %. Je ne me prive pas des charges DC lorsque j’en ai besoin, mais ça reste occasionnel.
Et maintenant ?
Eh bien… on se retrouve à 100 000 km ?
Blague à part : aucun doute que l’usure va s’installer avec les années, mais elle semble bien inférieure à ce que j’attendais, et même de ce que tout le monde attendait un peu partout. On est très loin de la perte de la moitié de l’autonomie après un an comme auraient pu le dire FranceTV ou Autoplus.
Personnellement, je peux espérer rester en dessous de 5 % d’usure après 5 ans. On verra bien ce que ça donne.
Je suis également conscient que ceci concerne ma voiture. Je ne sais pas si c’est représentatif de toutes les Ioniq 6, ou même de toutes les eGMP de chez Hyundai-Kia. Toujours est-il que je pense que mon calcul est bon.
Ce constat global n’est, comme j’ai dit, pas limité à moi : des constructeurs comme Porsche avaient initialement limité la recharge DC, en puissance et en nombre de sessions consécutives, soi-disant pour limiter la dégradation sur le long terme ; avant de tout débrider car les batteries ne s’usent pas autant qu’on pensait (après on peut dire que ça ne s’est précisément pas dégradé grâce à ces mesures, mais il semblerait que non).
La technologie et les connaissances ont énormément évoluées et les constructeurs se sont adaptés : ajout de système de gestion thermique, limitation automatique du niveau de charge, etc.
Je le dis souvent, mais la batterie d’un EV, sauf en cas de problème de fabrication manifeste, est probablement l’élément qui s’use le moins vite en usage normal.
Et dans tous les cas : même avec 20 % d’usure, ce qui reste est pleinement utilisable. Une courroie ou un joint de culasse qui lâche rendent une voiture thermique immédiatement inutilisable, mais une batterie qui perd 20 % devra juste charger 5 fois là où elle chargeait 4 fois auparavant. Le reste de la conduite est inchangé.
Enfin, le constat de limiter la température et le niveau de charge à des fins de préservations , j’en avais fait l’expérience avec mon ordinateur portable. J’utilise le même PC depuis 2016, mais la canicule de 2019 avait gonflé la batterie et j’ai perdu 40 % de son autonomie en moins de 3 ans.
Depuis, je limite la charge à 85 % (je peux faire ça dans le BIOS), et elle est également moins sujet aux fortes chaleurs désormais. Depuis 2019, je n’ai perdu que 8 % en capacité. Cela semble donc une stratégie qui fonctionne pas mal.
Les années usent la capacité d’une batterie, c’est une certitude : une batterie, par nature, est active chimiquement. Et même sans l’utiliser, ça bouge avec le temps. Maintenant ce n’est pas grand-chose (moins qu’on pensait y a 5 ou 10 ans) et n’enlève rien à son utilisation normale par ailleurs.
Liens
Quelques liens supplémentaires sur les batteries :
- Comment tuer sa batterie NMC (par Engineering Explained, en anglais) – et mon commentaire.
- Comment tuer sa batterie LFP (par Engineering Explained, en anglais)
- It Starts, It Drives, And It's Ours! Coda Electric Barn Find Update - YouTube (ils découvrent une EV abandonnée durant 10 ans chez un concessionnaire… et qui démarre après avoir seulement changé la batterie 12 V).
Et sinon :
- OBD Link CX (mon lecteur OBD, compatible EVs, une valeur sûre, multi-marques — lien Amazon).
- Car Scanner (l’application pour se connecter au lecteur OBD car celui d’OBD-Link est pourrie ; lien iOS ; lien Android).
Cet article n’est en aucun cas sponsorisé par Hyundai ou autres.